Dans quelle mesure les événements qui scandent la période électorale influent-ils sur les intentions de votes ?
En reprenant les moyennes mensuelles des six principaux candidats présentés par le site Election politique citoyen (EPOC), se dessinent des courbes moins erratiques, moins précises, mais probablement plus exactes, du moins en terme de tendance. Elles compilent l'ensemble des sondages des six instituts de sondages français et fixent la moyenne mensuelle au quinze du mois.
Aussi, les événements que j'ai fait apparaître ont, suivant leur date de réalisation, pu influer sur la moyenne du mois plus ou moins fortement :
Le discours de Grenoble qui stigmatise la population Rom et l'ensemble des gens du voyage n'a pas eu l'effet escompté pour Nicolas Sarkozy. Ni d'ailleurs l'effet repoussoir que beaucoup de commentateurs ont cru y déceler. Il ne perd qu'un demi point dans l'opération, sauf à envisager que la prise de conscience de la population ait été beaucoup plus lente, eu égard aux vacances scolaires. Sa lente érosion se continue à peu près au même rythme après (attention certains mois sans sondage font apparaître des brisures dans les courbes qui ne correspondent à rien). C'est par contre Marine Le Pen qui semble bénéficier du retour de la thématique xénophobe. C'est le début de sa grande ascension et, hormis un léger recul en novembre elle poursuit sa progression jusqu'en mars 2011. Là, elle est donnée à égalité avec François Hollande et Nicolas Sarkozy, aux environs de 21%.
Le printemps arabe qui court depuis décembre, bien loin d'éloigner les sondés de Marine Le Pen, semble encourager les adhésions à sa vision ostracisante. C'est l'intervention militaire de l'OTAN en Libye qui paraît marquer la rupture. Nicolas Sarkozy inverse la tendance et Marine Le Pen aussi et dans des proportions plus grandes. La tuerie raciste d'Oslo aggrave le mouvement et faire perdre deux points à 15%, mais précède une remontée plus ample très surprenante.
Puis oscillations sans grande portée, jusqu'aux près de 19% de janvier 2012. Suit une érosion constante que n'enraille pas la nouvelle tuerie raciste de Toulouse-Montanban, que tente d'expliquer un discours islamophobe. Dans la période précédant le premier tour, elle serait même presque au plus bas depuis sa prise de contrôle du FN, le 16 janvier 2011. Il est possible qu'il s'agisse d'un effet d'optique et que son électorat soit plus fermement décidé que les autres et depuis plus longtemps. Aussi sa baisse globale pourrait être relative à une prise de position des indécis pour d'autres candidats.
Nicolas Sarkozy est, à l'exclusion des mois d'octobre à décembre 2011, toujours en croissance quand Marine Le Pen est à la baisse et inversement. Après l'échec de la stratégie de Grenoble, son retour en faveur est lié à des positions régaliennes : la guerre en Libye, dont la fin, couplée au 14 juillet, lui fait gagner deux points et demi, puis la focalisation sur la crise grecque, avec G20 et tutti quanti, trois points et demi. Étonnamment, l'aggravation de la crise de la dette en France, rendue visible par la perte du triple A, et en Grèce, par une situation sociale désespérée, lui profite encore. Et ce bien plus que la "suspension de la campagne" consécutive aux deuils de Toulouse et Montauban.
Son rival François Hollande bénéficie avec la sortie de route de Dominique Strauss-Kahn d'une ruée des orphelins qui lui fait gagner 4%. L'approche de la primaire socialiste lui accorde de nouveaux suffrages, que la campagne de ces primaires, combinée à une surexposition médiatique vient conforter. En deux mois il regagne cinq points et demi. C'est cette primaire elle-même qui fait chuter d'un même élan Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy, qui reprennent tous deux du terrain perdu les deux mois suivants. En trois mois, doucement, François Hollande perd tous les points gagnés dans le dernier mois de campagne pour les primaires.
Par la suite, il semble autant profiter de la confirmation de la crise que Nicolas Sarkozy, alors que Cassandre, jouée par François Bayrou, qui a beaucoup monté (de 6,6 à 12,9%) de concert avec les angoisses, s'effrite quand elles sont confirmées. La ritournelle de la rigueur, qu'entonne la quasi totalité des candidats, est alors prise à contre-pied par Jean-Luc Mélenchon qui dynamise l'opposition à la pensée dominante. Il crédibilise aussi un volontarisme d'Etat, terrain abandonné par presque tous ses adversaires. Sur les trois derniers mois, il gagnerait cinq points et demi.
La grande surprise vient des écologistes, où Eva Joly ne sera plus jamais aussi haute que lorsqu'elle a été intronisée (de ce point de vue François Hollande fait bien pire, notez). Les changements climatiques, les suites de l'accident nucléaire de Fukushima, son premier anniversaire, les fuites de gaz gigantesques de la plateforme de Total, rien n'y fait. Une lente chute de septembre à avril l'amène de 7 à 2,5% d'intentions de votes. Eva Joly s'est fait , il est vrai, savonner la planche par tous ses amis supposés et lié les mains par l'accord d'Europe écologie-Les verts avec le Parti Socialiste.
Et bien les résultats sont très contradictoires, mais bien souvent contre-intuitifs. Finalement, les événements qui marquent la campagne ne semblent pas influencer de façon déterminante le choix des électeurs. C'est donc plutôt ailleurs qu'il faut chercher.
Bon tout ça, c'est encore à supposer que ces courbes reflètent des tendances. Rendez-vous dimanche pour le vérifier.
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